Interview de Kithinji Kiragu, vice- président sortant du Conseil d’administration de l’ACBF qui a servi pendant sept ans.
Parlez-nous un peu de vous et du temps que vous avez mis au service du Conseil d’administration de l’ACBF
J’ai d’abord été consultant en management du secteur public pour l’essentiel de ma carrière professionnelle. Après l’université, j’ai travaillé comme comptable pendant un temps pour Coopers & Lybrand et Price Waterhouse Coopers (PwC). J’ai fait ensuite du conseil en management auprès de Coopers & Lybrand Consultants pendant près de neuf ans et je suis devenu directeur pour le conseil en management. Je me suis intéressé au début au conseil du secteur privé et ensuite le secteur public. En 1998, j’ai créé un cabinet-conseil, KK Consulting, qui accompagne le management du secteur public. En 2002, KK Consulting a fusionné avec PwC et j’ai été partenaire pour le management du secteur public. Après cinq ans passés avec PwC, j’ai senti le besoin d’avoir un modèle de conseil différent de PwC. Avec quatre autres personnes, nous avons créé en 2008 Africa Development Professional Group. Nous faisions du conseil pour les gouvernements et les sociétés étatiques. J’ai également bien d’autres intérêts en dehors du conseil. Jusqu’en 2013, j’étais le Président du comité consultatif des sociétés étatiques auprès du Président du Kenya pendant trois ans. Au-delà, je participe également à la vie de ma communauté. Je me considère comme un éducateur et avec mon épouse nous avons un collège de formation professionnelle où l’on fait des examens professionnels comme l’expertise comptable et aujourd’hui nous offrons une formation diplômante avec les universités nationales. Nous avons également une école secondaire dans ma région pour les diplômés de l’enseignement secondaire. Je suis également un sérieux exploitant agricole et je dispose d’une petite usine de café. Je plante également du thé et je suis un exploitant de ferme laitière.
Je suis devenu administrateur de l’ACBF en 2007 avec le parrainage du DFID. Je menais beaucoup d’activités financées par le DFID pour la Banque mondiale et également pour les gouvernements de la région dont, pendant un temps, le conseiller principal pour la réforme du secteur public du gouvernement tanzanien pendant quatre ans. Sur cette base et étant également un parrain de l’ACBF, mon nom a été proposé au comité de sélection.
Comment décririez-vous l’action de la Fondation?
Les capacités restent le véritable ingrédient manquant dans la transformation de notre continent. Par conséquent, la mission de la Fondation est encore très pertinente et son action très importante. Ceci a été confirmé au fil des ans. Son action a été louable et fructueuse car les résultats sont là pour le montrer et la documentation en atteste. Bien sûr, l’action de la Fondation est perçue quelquefois sous des angles différents par diverses parties prenantes. Mais, je ne doute pas un instant de l’importance du travail et ce qui est nécessaire pour le futur. Je pense que la seule question est la direction stratégique que prend la Fondation.
Pendant vos sept années de mandat en tant qu’administrateur de l’ACBF, qu’est-ce qui se singularise pour vous en terme de transformation ou de résultats de l’institution?
Je pense que nous avons travaillé sur bien d’initiatives. Je dirais que nous avons réussi à consolider les acquis des premières années pour ce qui est des organisations que nous avons accompagnées. À titre d’exemple, il y a au Kenya de fortes institutions qui sont aujourd’hui autonomes et l’appui initial venait de l’ACBF. Je pense que c’est là un indicateur de réussite.
Le renforcement des capacités est devenu un domaine compétitif. L’ACBF parvient-elle à relever le défi et comment peut-elle conserver sa pertinence dans cette myriade de changements mondiaux?
Tout d’abord, je suis certain que le terme compétitif n’est pas le bon terme. Nous pouvons dire qu’il y a beaucoup d’acteurs et qu’il y a aussi des risques de duplication. Mieux, je dirais qu’il n’y a pas double emploi avec ce que fait l’ACBF. Le défi de cette dernière, au fur et à mesure que nous avançons, réside dans l’articulation de son créneau et sa contribution unique au continent. Le défi réside également dans l’identification des domaines qui n’ont pas fait suffisamment fait l’objet d’attention et par conséquent, dans le traitement des défis de renforcement des capacités de manière à voir des résultats très concrets au profit du continent. L’ACBF ne peut pas faire assez à ce sujet. Je ne suis pas certain que dans le moyen et long termes l’ACBF ne réduira pas les déficits de capacités du continent. Au fur et à mesure que nous comblerons certains déficits, d’autres apparaîtront car à l’instar du reste du monde, le continent est dans un processus de changement. Les défis auxquels l’Afrique était confrontée hier ne sont pas les mêmes aujourd’hui. Au cours des dix dernières années, il y avait la grave question du VIH/sida, par exemple, mais aujourd’hui tout le monde sait que l’Afrique a besoin de relever le défi du chômage des jeunes. Il fut un temps où il s’agissait de formulation de politiques et de planification budgétaire mais aujourd’hui nous connaissons des enjeux plus graves en termes de compétences pour développer nos infrastructures de manière durable. Là réside la mission, la proposition en matière de valeur se trouve là, par conséquent, je vois l’ACBF travailler et accompagner l’Afrique dans sa transformation pendant de nombreuses années.
Selon vous, quels sont les besoins pressants en capacités pour le continent?
Je pense que la chose devenue très évidente est l’ampleur des besoins de l’Afrique en termes de ressources pour le développement plus que par le passé. Ensuite, il s’agit pour l’Afrique, et par conséquent l’ACBF, de relever ses défis critiques de développement et comme je l’ai indiqué plus haut, un de ces défis concerne le chômage des jeunes. Un aspect connexe à cela est également la qualité de l’enseignement–tant au niveau de base que supérieur. L’ACBF pourrait ne pas tout embrasser mais peut-être pouvons-nous développer sa niche dans certains de ces domaines. A regarder nos institutions, le problème de leadership sur le continent est très réel car même sans ressources si le leadership est clairvoyant, vous pouvez obtenir des résultats. Mais avec des ressources et sans un bon leadership stratégique, vous ne verrez pas de résultats. Je ne parle pas de leadership politique par ce que je suis de ceux qui estiment que le leadership stratégique, technique est plus essentiel que le leadership politique en ce sens que si vous pensez stratégie, vous pouvez avoir un leadership politique.
Quelle est votre vision de l’avenir de la Fondation?
L’ACBF a connu un certain nombre de problèmes externes, notamment avec son financement et pour cette raison, elle fait le yo-yo tant au plan de ses capacités internes et ses perspectives que pour ce qu’elle doit faire. L’idéal est de la percevoir comme les pays développés perçoivent l’OCDE et je tiens à clarifier cette typologie. Si les pays de l’Europe et les pays développés du Nord trouvent la nécessité de disposer d’une organisation comme l’OCDE, qui est différente de l’OTAN, de l’Union européenne et même du G20, il est donc évident qu’ils aillent à l’OCDE pour partager les connaissances. Mais pour le continent, les besoins sont plus sérieux que pour l’Europe et d’autres pays développés. Par conséquent, je ne voudrais pas laisser vagabonder mon imagination jusqu’à la vision 2050 et au-delà]. Parlons plutôt de la vision 2020–2030. Je vois l’ACBF comme un organe central d’exploitation des connaissances sur le continent, des connaissances sur les capacités, diffusant ce savoir et accompagnant les gouvernements pour combler les déficits de capacités. Je la vois comme un centre d’excellence pour le continent. Mais je la vois également comme une institution permettant le partage des connaissances et compétences chez les dirigeants africains pour ce qui est des aspects professionnels, techniques et même politiques. Et enfin, le Zimbabwe a rendu le rêve possible en nous donnant une nouvelle maison et pour l’ACBF des chances pour l’avenir.
L’ACBF est un “centre d’excellence pour le continent” – Kithinji Kiragu
15 aoû, 2014